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Publié par J.Bicrel

Je soumets à votre réflexion cet article publié le 16/12/10 sous licence creative common par JM Gilliot. Il complète bien cet autre article publié sur rienquepourvous [billets pédago] : Les espaces ou environnements numériques de travail (ENT)

Pendant la session « retour d’expérience » autour du web 2, un auditeur s’étonnait que des enseignants acceptent de communiquer avec leurs élèves en dehors des heures de cours, alors que les enseignants se retranchent derrière leur statut pour ne pas travailler sur les Environnements Numériques de Travail (ENT) en dehors de leurs obligations de services. Il interrogeait donc les orateurs pour savoir s’ils avaient des éléments de réponse, qui clairement ne savaient pas comment répondre.

Il y a pourtant plusieurs éléments qui se renforcent mutuellement, mais dont la synthèse peut avoir un caractère politique difficile à porter pour des membres de l’Éducation Nationale en représentation.

  St-Nicolas-et-Pere-Fouettard.jpg

                     Web 2 Saint Nicolas ou ENT Prère Fouettard par Celesteh  

 

Tout d’abord, il y a l’argumentaire technique classique entre les outils du web2 et les ENT. Cela peut se résumer en listant les degrés d’ouverture des outils du web :

  • ouverture d’accès : Il est en général plus facile de s’identifier et d’accéder à la page souhaitée sur le web que dans un ENT ;

  • visibilité des productions : un document élève produit sur le web l’est pour tout le monde, alors que dans un ENT, le seul lecteur sera probablement l’enseignant ;

  • ouverture sur les activités : en comparaison à la multitude d’outils disponibles sur le web, les quelques activités prédéfinies font bien pauvres. De plus leur organisation est en général figée, ce qui limite les usages possibles dans la classe ;

On peut également noter que l’ergonomie des outils du web souligne la complexité des interfaces des ENT qui rebute bien souvent les enseignants d’abord, les élèves ensuite.

Conséquence de ces limites, l’élève n’ira pas sur l’ENT s’il n’est pas obligé et donc n’y retournera que pour les activités obligatoires. Ce n’est pas dans cet environnement qu’on peut imaginer y créer du lien social.

Par ailleurs, si il y a un intérêt dans les outils du web, c’est bien de se confronter à des usages qui permettront de développer la littératie numérique. Cette exploration de l’éthique et des médias numériques fait sens auprès des élèves, et les renvoie à leur quotidien, ce que ne fera jamais un ENT qui considère au contraire l’espace numérique d’apprentissage comme étant fermé et isolé du reste du monde. Conséquence, après le cours, un élève retournera facilement sur un outil comme Twitter ou même facebook pour échanger avec un enseignant, jamais sur un ENT, qui nécessitera une dizaine de clicks avant de pouvoir poser une question, qui de plus sera posée dans un contexte ressenti comme plus formel.

Avantage donc aux outils du web sur les ENT, en abaissant les barrières de passage à l’acte, en rendant ceux-ci plus faciles et intégrés dans le quotidien.

 

Derrière cela, il y a je pense des aspects plus humains, ou sociaux, qui sont moins identifiés dans les explications sur les ENT.

Premier élément, cité dans la conférence, les enseignants semblent prêts à communiquer avec leurs élèves en dehors du temps de classe, via les outils sociaux du web. Il me semble qu’un enseignant est souvent prêt à poursuivre la conversation dans un cadre moins formel, qu’il est disponible pour des échanges qu’il trouve intéressants, et qu’il trouve valorisant qu’on lui demande son avis. Il y a un côté plaisir dans les outils sociaux, tant que cela reste dans un cadre informel.

Deuxième élément, les enseignants qui utilisent ces outils, les utilisent souvent au delà de la classe, pour leur formation personnelle. Ils les utilisent pour préparer leurs cours, au travers de recherches d’information et de documentation, ou via des échanges avec d’autres collègues en se constituant leur réseau d’apprentissage personnel (Personal Learning Network ou PLN en anglais). C’est en effet une étape indispensable avant d’aborder ces outils en classe. Conclusion, si ces outils sont utilisés en classe, ils seront utilisés en dehors de la classe par les élèves ET les enseignants.

A contrario, un ENT n’est d’aucune utilité au delà d’une éventuelle organisation d’activités pour le cadre scolaire. Il sera donc aussi vide qu’une salle de classe en dehors des heures de cours.

Un troisième élément, qui est sans doute plus spécifique au primaire et au secondaire (quoique) est l’instrumentalisation de l’ENT. Notre auditeur qui s’étonnait de voir des enseignants communiquer en dehors des heures de classe, racontait que l’Education Nationale se voyait opposer à l’utilisation de l’ENT les statuts de l’enseignant, notamment les limites horaires.

On voit bien au travers d’une telle remarque que l’ENT n’est donc pas vécu comme un outil d’aide au métier de l’enseignement, mais bien comme une contrainte imposée. Il semblerait que c’est même pire que cela :

  1. On oblige les enseignants à saisir leur cahier de textes sous forme numérique. L’argument avancé est qu’ainsi le cahier est accessible aux élèves et au parents, ce qui est effectivement une avancée tout à fait intéressante. On oublie par contre de préciser, que cette saisie se fait au travers d’une interface cauchemardesque dans un certain nombre de cas, et que ce travail se fait forcément à la maison. C’est donc vécu par un bon nombre d’enseignants comme une nouvelle contrainte.

  2. De par l’ambiance paranoïaque à l’Éducation Nationale, certains pensent qu’il y a une volonté de contrôle du travail des enseignants. L’article « Le cahier de textes numérique, c’est Big Brother en classe » vient de le rappeler. Dans un contexte où il y a clairement une volonté de renfort du contrôle administratif, qu’il soit local ou académique, toute obligation nouvelle, assortie d’un outil non adapté, ne peut qu’être mal vécue;

  3. Il y a une autre difficulté qui est qu’un enseignant fait cette partie de travail chez lui. Il se retrouve donc à effectuer une obligation de service dans son espace privé. Espace privé ou jusqu’à présent il bénéficie de sa liberté pédagogique.

Dit autrement, l’élargissement de l’usage de l’ENT est vue comme une obligation qui empiète sur l’espace de liberté privé, l’usage des outils du web2.0 est ressenti comme une extension de la liberté pédagogique.

 

La question qui vient généralement est de se demander si les outils du web2.0 ne pourraient pas être intégrés dans les ENT. Reprenons donc :

  • d’un point de vue ergonomie et facilité des outils, c’est indéniablement une bonne idée ;
  • si c’est pour limiter à une série d’outils, il risque toujours de manquer le bon. Sauf à proposer des mécanismes d’extension ;
  • si c’est pour aborder les principes de la littératie ou de l’éthique numérique, l’accès à l’extérieur de l’ENT restera indispensable ;
  • si c’est pour amener à utiliser ces outils dans un contexte pédagogique, cela sera insuffisant. Il faut en effet en premier lieu convaincre les enseignants de l’intérêt de ces outils, et cela passe par une phase d’appropriation personnelle comme outil d’efficacité et d’échange ; Il faut donc passer d’un ENT à un réseau d’apprentissage.
  • si c’est pour imposer des pratiques, cela devra passer par une remise à plat des missions de l’enseignant, des lieux et des temps pour l’exercer. Ici aussi le passage aux outils du web2.0 brouille les frontières entre l’espace de la classe et l’espace privé. Mais pour l’enseignant, il impacte également son espace professionnel. L’ignorer empêche d’avancer.

 

Parmi les obstacles actuels que l’on peut noter, il y a :

  • le caractère profondément orthogonal entre la verticalité de la hiérarchie de l’Éducation Nationale et l’horizontalité du Web 2 ;
  • la nécessité de permettre l’appropriation de ces outils par les enseignants eux-mêmes sans volonté directe d’application dans la classe. Malheureusement la formation continue reste mal maitrisée pour les enseignants.

Une volonté de contrôle ou d’approche hiérarchique semble perdue d’avance. La seule solution pour l’Éducation Nationale serait sans doute de faciliter l’éclosion d’un écosystème permettant aux enseignants d’avancer de manière collaborative. Cet écosystème existe, comme on a pu le voir à Brest. Il est pour l’instant au mieux ignoré. Il faudrait au contraire l’encourager.

Au niveau du supérieur, cela passe par une redéfinition des Universités Numériques (UNT), pour passer d’un portail de diffusion de contenus, à des espaces d’échanges et de construction collaborative., et par une appropriation des outils par les enseignants sans forcément la contrainte du face à face avec les étudiants dans un premier temps, mais plutôt lorsqu’ils se sentiront prêts. Et volontaires.

Cet article est le troisième et dernier d’une courte série de réactions suite à la dernière matinée de la conférence Tice 2010 :

Par ailleurs, cet article ne serait pas complet si je ne citais pas cette traduction du site de Creative Commons : Des Ressources éducatives libres : pour être plus efficace ?

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