[billet pédago] Faits, causes, conséquences, état des lieux de la violence scolaire
A la veille de l'ouverture des Etats généraux de la sécurité à l'école, le débat s'ouvre. Qu'en sortira-t-il ?
Déjà quelques analyses approfondies :
Voici un article de Denis Peiron paru le 6 avril 2010 sur La Croix.com : Les «psys» analysent la violence scolaire http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2421304&rubId=4076
Et le point de vue des sociologues dans le même journal : « La France n’est pas une bonne élève » dit Marie Duru-Bellat, sociologue Professeur à l’Institut d’études politiques de Paris:
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2421305&rubId=55350
Ce bilan publié par les Cahiers Pédagogiques (en creativecommuns) pourrait, je le crains, être la vraie conclusion de ces états généraux sauf si, sans
attendre les résultats de tous ces atermoiements politiques, nous cherchons nous-mêmes et ensemble comment agir.
La transmission des savoirs est toujours plus compliquée que ce que l’on croit. Durant ces états généraux de la sécurité à l’école, le ministre a eu l’occasion d’entendre les contributions des chercheurs les plus qualifiés en la matière, de suivre des ateliers regroupant des acteurs de l’école dans toute leur diversité, de disposer de synthèses de ces débats remarquables par leur densité et leur qualité. Au vu des mesures qu’il a annoncées, au mieux insipides, au pire très contestables, on doit bien constater qu’il ne suffit pas d’entendre pour comprendre, que tous ces savoirs n’ont manifestement pas fait évoluer les représentations initiales du ministre, qu’il continue à croire aux recettes éculées pour prévenir les violences à l’école.
Il est difficile de qualifier cette journée et demie consacrée à des conférences, tables rondes, ateliers, présentations de
synthèses et interventions politiques.
Des états généraux ? Mis à part les représentants syndicaux et des parents d’élèves, l’assistance était surtout composée de la haute administration du ministère, de chercheurs ou encore de
membres d’associations comme le CRAP-Cahiers pédagogiques, et aucun « cahier de doléances » n’avait été demandé aux professionnels concernés dans les établissements scolaires. Les
débats n’ont pour autant jamais été abstraits, et les difficultés au quotidien, les souffrances mêmes, tant des adultes que des élèves, ont été largement présentes dans les discussions. Mais on
peut se demander tout de même ce qui parviendra de tout cela dans les établissements, comment on pourra éviter de donner à la profession l’impression d’une grand-messe de plus. Une similitude
avec les états généraux de l’ancien régime, c’est peut-être que le roi semble bien décidé à n’en faire qu’à son bon plaisir...
Un colloque, des journées d’étude ? Nous en avons eu la qualité, la consistance, tant par les apports des chercheurs que par
les contenus des débats, comme en témoignent les synthèses des ateliers. Mais un colloque d’un genre particulier, sous l’œil de nombreuses caméras, en présence de plusieurs ministres, et où le
dernier mot revint au politique.
Un évènement, voire une opération médiatique ? C’est le sentiment que peut laisser, par exemple, l’intervention de Brice
Hortefeux, passé en coup de vent, affirmant « vous l’avez sans doute rabâché » alors qu’il était le premier à employer un langage particulièrement martial, et repartir sans écouter la
suite.
C’est l’impression aussi que donne l’emploi de termes comme « formation », ou encore « responsabilisation », dans un sens suffisamment général pour que ça ne dérange personne,
et les propositions finales montrent à quel point tous les intervenants n’y mettaient sans doute pas les mêmes contenus.
Mais on peut aussi se réjouir qu’un discours élaboré, des spécialistes reconnus aient ainsi eu un certain accès à l’espace médiatique, et on ne peut que souhaiter avoir ainsi fait un tant soit
peu reculé bien des lieux communs des discours politiques, des médias ou du café du Commerce.
Alors que retenir de cette journée ? Bien des affirmations fortes, pas nécessairement nouvelles, mais qui ont été ainsi
reconnues au plus haut niveau :
la nécessité de privilégier les solutions du côté de l’humain plutôt que du matériel ;
la nécessité de
recourir à des solutions collectives, d’abord pour ne pas laisser isolées les victimes de violence, adultes ou enfants, mais également parce que c’est à l’échelle du groupe que peuvent se
développer la confiance, la cohérence et la cohésion indispensables ;
la nécessité
d’espaces de parole, du côté des élèves pour les associer à l’élaboration des règles et à la régulation de la vie collective, du côté des enseignants pour la formation, l’analyse des situations
professionnelles ;
la nécessité
d’affirmer et de construire des valeurs communes, d’agir selon une éthique professionnelle, d’éduquer aussi au respect au sens fort du mot ;
la nécessité de
tisser ensemble les apprentissages et la vie sociale, l’instruction et l’éducation, tant on sait bien que l’échec scolaire a partie liée avec la souffrance et les tensions dans les écoles.
Des notions familières aux pédagogues ont été mises en avant, même si le contenu n’était sans doute pas clair pour tous : l’autorité éducative, l’école inclusive, le travail
coopératif.
Mais il faut bien constater que tout cela ne transparait guère dans les mesures annoncées au final par le ministre. Vu la
diversité et la richesse des propositions des ateliers, celui-ci a pu prétendre s’en être inspiré, mais cela masque mal des décisions manifestement déjà préparées, creuses ou très
contestables.
Annoncer des modules obligatoires de formation à la prévention de la violence dans les masters enseignement, ou durant l’année de stage, ne manque pas de cynisme ; à moins que, module par
module, on finisse par reconstituer les IUFM que l’on vient de saborder ?
Annoncer un « code de vie scolaire » pour que les élèves « connaissent » les règles, par exemple la nécessité de se lever à l’arrivée d’un adulte ou de lever le doigt pour
poser une question, est dérisoire.
L’annonce finale de la refonte de la carte de l’éducation prioritaire, sans aucune évaluation du plan « ambition réussite », avec beaucoup moins d’établissements concernés, avec des
innovations extrêmement discutables comme des équipes d’enseignants choisis par les chefs d’établissement ou la validation du socle commun comme seul objectif d’enseignement, est un bien mauvais
coup porté à cette démarche des états généraux puisqu’il n’a jamais été question tout cela dans les débats.
Le sous-titre retenu pour la journée était « comprendre, prévenir, agir ». Brice Hortefeux a osé à la fin de son intervention, « prévenir, dissuader, réprimer », ce qui sonne un peu différemment. La devise de Luc Chatel semble plutôt « réunir, laisser dire, décider ».
Patrice Bride
Le sujet n'est certes pas nouveau, des classes et réseaux relais aux lycée et collèges expérimentaux, des intiatives multiples ont vu
le jour comme le montre cette fiche synthèse.
Pourtant, il y a encore des pistes à creuser et surtout des expériences positives à étendre. Peut-être ne seront-elles pas abandonnées à peine évoquées. Par exemple ceci :